Publié le 26/04/2021 à 06:25 | Mis à jour le 26/04/2021 à 10:58

 

Des tags colorés sont apparus en centre-ville. Œuvres de l’association « queer » et féministe Volar, ils contribuent à visibiliser leurs luttes.

Ce sont des mots colorés qui se sont invités sur les pavés du centre-ville depuis plusieurs semaines, autour de la place Charles-de-Gaulle, les Cordeliers ou la place Charles-VII par exemple. « Proud » (« fier ») et « queer » (littéralement « bizarre », terme que les minorités sexuelles et de genre se sont approprié, lire ci-contre) se font face sur les pavés.

Des citations de tubes de la pop culture les accompagnent : « I kissed a girl and I liked it » (« J’ai embrassé une fille et j’ai aimé ça », une chanson de Katy Perry) ou encore « Don’t be a drag, just be a queen » (jeu de mots sur le terme drag-queen, issu d’une chanson de Lady Gaga, une des icônes de la communauté LGBT). Tous ces termes sont peints aux couleurs des communautés LGBT (drapeau arc-en-ciel), transgenres (bleu, rose et blanc) ou bisexuelles (rose, violet et bleu).
« On a eu des questions des passants »Ces tags sont l’œuvre de l’association étudiante issue des rangs de Sciences Po, Volar. Elle se bat contre les discriminations envers les femmes ou les minorités sexuelles ou de genre. « Nous luttons contre l’hétéro-patriarcat », résume Émerick Le Goff, coprésident de l’association, accompagné d’Aïda Sraïri, future coprésidente qui devrait prendre le relais l’année prochaine.

Peindre dans la rue ces termes est un moyen pour eux de rendre visibles leurs luttes et « d’avoir une approche de sensibilisation avec le public ». « On a fait ces pochoirs sur une matinée, et on a eu des questions de passants qui nous demandaient la signification de ces termes. C’était l’occasion de leur expliquer », explique ainsi Émerick Le Goff. Car « ce sont des causes qui ont toujours besoin d’être défendues », affirment-ils.
Avec le Covid des luttes moins visiblesMême s’ils reconnaissent que certains droits sont désormais largement acceptés. « Depuis les années 2000, le coming-out est de plus en plus accepté. Mais aujourd’hui, on se bat pour l’acceptation de la transidentité, des queers… C’est une lutte permanente, rien n’est jamais acquis et c’est pour ça que c’est important d’occuper l’espace public. »

Car, en plus, la pandémie bouscule ces luttes, basées essentiellement sur la visibilité envers le grand public. « Le Covid a changé l’organisation de la Queer week en mars (une manifestation organisée par Volar tous les ans). Cette année, le but n’était pas d’organiser des conférences envers le plus grand nombre, mais plutôt de proposer quelque chose de grande qualité », détaille Aïda Sraïri. Le Covid a également remis en question leurs interventions dans les classes pour sensibiliser aux concepts de respect par exemple.

Pour autant, ils ne désespèrent pas de faire avancer leur combat. Ils donnent déjà rendez-vous en mai, si la situation le permet, pour la marche des fiertés.

J’en étais honoré. C’est ce qu’on souhaite, que les gens réagissent et lancent le débat

Émercik Le Goff, coprésident de Volar, Poitiers

Émerick Le Goff, le coprésident de l’association Volar, répond également au collectif de la droite indépendante de la Vienne. Ce groupe politique local avait, la semaine dernière, épinglé sur Internet de nombreux tags et dégradations dans l’espace public. Parmi ceux-ci, des réalisations de l’association Volar. « Nous déplorons la pollution visuelle et les dégradations […], pas ces combats », nuance le collectif. 

« J’en étais honoré. C’est ce qu’on souhaite, que les gens réagissent et lancent le débat », explique le jeune coprésident. « Que les gens débattent, c’est ce que l’on cherche. Sans débat, on n’avance pas. Nous, on fait de la sensibilisation gratuitement. Si on nous dit qu’il faut arrêter, très bien, mais sensibilisez de votre côté », réagit Émerick Le Goff. 

Il explique également qu’ils ont fait attention à ne pas taguer les façades ou les devantures, mais seulement au sol ou sur du mobilier urbain.

Petit lexique

> Queer. Terme anglais pour « bizarre, étrange ». Il a été réapproprié récemment par les militants des minorités sexuelles ou de genre pour se définir. « Il représente toutes les personnes qui ne se retrouvent pas dans la société hétéronormée », explique Émerick Le Goff. Ce terme englobe donc la communauté des lesbiennes, gays, transgenres, bisexuels et intersexes (LGBTI) mais aussi les personnes non-binaires (qui ne se reconnaissent pas dans un genre donné) par exemple.

> Proud ou pride. Terme anglais pour « fier » ou « fierté ». Terme utilisé pour la communauté queer et LGBTI pour montrer qu’ils sont présents dans l’espace public et dans la société.

> Coming-out. En français, « sortie du placard ». C’est le moment où une personne révèle à son entourage son orientation sexuelle ou son identité de genre.

> Transidentité. Fait pour une personne d’avoir une identité de genre (genre à laquelle une personne appartient) différente du sexe qui lui a été attribué à la naissance. Cela s’oppose aux personnes cisgenres, qui ont une identité de genre conforme au sexe qui leur a été attribué à la naissance.

 

Nouvelle République | Poitiers : des mots colorés pour montrer leur fierté « queer »