Publié le 06/09/2019 à 04:56 | Mis à jour le 06/09/2019 à 04:56

Le directeur de Sciences Po Paris, Frédéric Mion, au milieu des premières années du campus de Poitiers. © (Photo Augustin Audouin)

Présent pour la rentrée du campus de Poitiers, le directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, est revenu sur les récentes réformes et l’ouverture sociale visée.

Quel regard portez-vous sur ce campus implanté à Poitiers où l’on trouve tant de nationalités différentes ?

Frédéric Mion, directeur de Sciences Po : « C’est original même si Poitiers est une ville universitaire qui regorge de nationalités différentes. Ce qui est vrai, c’est que ce campus offre une image saisissante de la diversité de la planète. Croiser des étudiants qui viennent de partout, c’est très réjouissant. »
Avec les nouveaux locaux, l’objectif était d’accueillir plus d’étudiants pour cette rentrée. Contrat rempli ?

« Oui, c’est le cas. Par rapport à l’an passé, nous sommes passés de 87 élèves de première année à 128. C’est une hausse significative et cela est conforme aux objectifs fixés. »


“ Des élites plus solidaires ”

Sciences Po aspire aussi à s’ouvrir davantage à des étudiants de différents horizons sociaux. La réforme de la procédure d’admission s’inscrit dans cette ambition ?

« Nous avons souhaité mettre en place un processus de sélection plus lisible avec une procédure unique. Plus équitable aussi avec un regard plus homogène sur l’ensemble des candidatures. Et plus efficace pour repérer les talents en faisant prévaloir les critères d’excellence académique mais aussi leur parcours personnel, car on ne veut pas réduire le talent à la pure performance scolaire. »


Ce changement s’accompagne également d’un renforcement des Conventions d’éducation prioritaire ?

« On veut élargir le spectre des lycées conventionnés en doublant son nombre. Aujourd’hui, nous en avons 106 mais ces lycées se situent dans des périphéries de grandes villes. Or, les établissements en zone rurale connaissent ces mêmes handicaps d’accès de leurs élèves à Sciences Po. Aussi, nous avons fixé l’objectif de recruter chaque année 30 % de boursiers et de garantir que la moitié sera issue de nos lycées conventionnés. »


Que répondez-vous à ceux qui prétendent que le niveau de Sciences Po va baisser ?

« Qu’à mon sens, ils se trompent. Je crains même que la sélection ne soit plus drastique car les épreuves écrites créent de l’autocensure. Avec la fin des épreuves écrites spécifiques à Sciences Po et l’inscription via Parcoursup, on devrait observer un afflux de candidatures supplémentaires pour un même nombre de places. »


L’ensemble de ces réformes répondent-elles au contexte actuel de défiance vis-à-vis des élites que Sciences Po aspire à former ?

« La question qu’on se pose et qu’on se posait bien avant novembre dernier, c’est : qu’est-ce que cela signifie de former les élites de demain ? A fortiori dans un contexte où la légitimité de l’expertise et de la hiérarchie est remise en cause. Ces changements sont des éléments de réponse pour que ceux qui se destinent à rejoindre l’élite ressemblent à la population de notre pays. Nous voulons former une élite plus solidaire, plus inventive et plus consciente de ce qu’est le monde dans sa diversité. »

 

Nouvelle République | “ Ne pas réduire le talent à la performance scolaire ”